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jeudi 7 septembre 2017

PEUPLE DE FRANCE !

Ceux que l’on ignore. 

Il existe un délit de sales-gueules. Il est circonscrit à des pratiques policières illégales,  contrôles au faciès répétés, ou faux témoignages racistes, c’est un noir, lorsqu’on n’a rien vu.  Mais quand les sales gueules correspondent à une multitude de gens amochés par leurs conditions d’existence, il n’y a pas délit, évidemment, il y a surprise.
Ce que j’ai vu …
J’ai « fait » un vide-grenier, en France, à douze kilomètres d’une petite sous-préfecture. Si tant est que le terme de sous-préfecture ait encore un sens de nos jours, à une époque qui n’a plus ou pas encore son-Courteline. A douze kilomètres de cette bourgade, se trouvait un sens unique. Un vide-grenier, organisé par les sapeurs-pompiers du village, s’étalait sur un terrain de football. J’y ai stationné de six heures à dix-huit heures, soit douze heures d’affilées. Je n’y ai vu déambuler que des sales gueules !
Là, j’ai vu défiler tout un peuple de gueules cassées, pas les « Gueules-Cassées » de la Grande Guerre, celle de 14-18, mais celles de gens terriblement abîmés par des conditions d’existence difficiles. Les Gueules Cassées de l’économie. Jeunes et moins jeunes. Des gueules endommagées par l’exercice du travail. Et aussi par le chômage, la précarité. Rongées par l’incertitude du lendemain, par l’absence d’avenir, de perspective.  J’emploi le mot « gueule » dans le sens de visage évocateur, suggestif, comme on dit, c’est une belle gueule. Ou bien, il a d'la gueule.
Gueules et corps cassés par les conditions économiques et culturelles de notre temps présent. Des gens qui avaient à la fois des visages ingrats, marqués par les soucis quotidiens, par les travers de la vie, mais aussi avec des visages et des corps estropiés, avec force de béquilles, de bandages et de cicatrices. Un peu d’alcoolisme sûrement, mais un alcoolisme ayant uniquement pour fonction d’atténuer des souffrances sociales récurrentes.
Le commerce qui se traitait sur ce marché était principalement un échange de chiffons, (layettes, pantalons, T-shirts, draps) contre cinquante centimes d’euros voire parfois un euro pour du cuir. Quelques objets utilitaires changeaient de mains pour un maximum de dix euros. On ne peut pas dire que cela ressemblait à de la pauvreté, ni au dénuement qui suinte des sans-domiciles qu’on rencontre dans les grandes villes.
A mon sens, et je peux me tromper, mais ces gueules-cassées-là ne se rencontrent jamais dans les grands centres urbains. On pourrait parler d’un nouveau-lumpenprolétariat. Le terme marxiste convient très bien. Cette société paraissait composée premièrement de gens déclassés, vivant dans des impasses existentielles, d’individus emprisonnés malgré eux dans des stéréotypes accablants. Travailleurs, qualifiés, chômeurs, mais ni voyous, ni mendiants, ni voleurs. Gens honnêtes,  parce que  nous ne sommes passés de l’ère violente du haillon (lumpen) à  celle plus soft du chiffon.
Dans notre société des grandes villes, ces personnes sont invisibles. J’ai l’heur’ de penser qu’elles ne votent probablement pas pour le Front National, parti populiste et surtout, raciste. Ce serait trop facile qu’elles le fassent, trop caricatural. Parmi tous ces chalands, d’une grande diversité, chacun pivotait autour d’un point commun : l’absence de beauté, de celle qu’on voit dans nos villes et qui n’est pas publicitaire.  Et aussi, l’impression de la douleur sur la peau, tatouage de cette douleur, de cette douleur qui masque tout et recouvre jusqu’aux sourires.
Défilant devant les stands de broutilles et de pacotilles, tout ce monde, dont la seule motivation semblait être celle de vivre coûte que coûte, restait d’une politesse inouïe, faisait preuve d’une gentillesse incroyable et ne se plaignait de rien. Pas de joie réelle ni de tristesse non plus. Pas de hargne, ni de révolte. Une retenue dans la parole, une plaisanterie lâchée mais vite reprise pour ne pas trop rire.
Si ce peuple n’est pas le fer-de-lance de la nation en marche selon les visions de notre actuel Président de la République, il est sûrement le manche indispensable à ce fer-de-lance !

Si jamais je leur ressemble, combien sommes-nous ?!

2 commentaires:

  1. Soudain me revient en mémoire cette expression, le Peuple des sans-dents.
    Ô Peuple descendant !
    Qui voulait tant s'élever...
    S'envoler,
    Vers des lendemains enchantés !

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